Dissiper les mythes sur le sommeil : comprendre la véritable nature du sommeil réparateur

Le sommeil est un aspect essentiel et énigmatique de nos vies, et il fait depuis longtemps l’objet de fascination, d’études et de nombreuses idées fausses. En tant que besoin biologique fondamental, il joue un rôle important dans notre bien-être physique et mental. Pourtant, parmi la richesse des informations disponibles, de nombreux mythes et mystères entourant le sommeil persistent dans la croyance populaire.

Dans cette exploration des mythes médicaux, nous abordons le sujet fascinant du sommeil, dévoilant les vérités, démystifiant les mythes et mettant en lumière l’importance vitale d’une bonne nuit de sommeil.

Mythe 1 : Le cerveau se repose également lorsque vous dormez

Contrairement à la croyance populaire, notre cerveau ne « s’arrête » jamais vraiment pendant le sommeil. Les fonctions vitales comme la respiration continuent, garantissant que notre cerveau reste actif même en sommeil. PendantMouvement oculaire rapide(REM), la phase associée à la plupart des rêves, l’activité des ondes cérébrales reflète celle de l’éveil.(1)

Il est intéressant de noter que malgré une activité accrue, il est très difficile de réveiller quelqu’un pendant le sommeil paradoxal, ce qui lui vaut le surnom de « sommeil paradoxal ». Tout au long de la nuit, notre cerveau traverse trois phases de sommeil non paradoxal suivies d’une phase de sommeil paradoxal, chacune caractérisée par des schémas d’ondes cérébrales et une activité neuronale distincts.(2)

Alors que certaines régions du cerveau se calment pendant le sommeil non paradoxal, d’autres entrent en action. Notamment, l’amygdale, réputée pour son rôle émotionnel, reste active pendant le sommeil. Le thalamus, relais sensoriel, joue un rôle crucial. En sommeil non paradoxal, il reste relativement calme, mais en sommeil paradoxal, il se réveille, transmettant les images et les sons liés au rêve au cortex cérébral. 

Mythe 2 : Le rappel des rêves est une indication d’un sommeil de qualité

Contrairement à la croyance populaire, se remémorer des rêves ne signifie pas réellement que vous avez passé une bonne nuit de sommeil. Alors que la plupart des individus rêvent la nuit, ces expériences, qui se produisent principalement pendant le sommeil paradoxal, sont souvent rapidement oubliées. 

Le souvenir d’un rêve ne reste vif que lorsque quelqu’un se réveille pendant ou peu de temps après le sommeil paradoxal. Certaines recherches suggèrent que des neurones spécifiques actifs pendant cette phase peuvent supprimer activement le souvenir des rêves. Ces neurones produisent l’hormone de concentration de mélanine (MCH), qui régule le sommeil et inhibe l’hippocampe, une zone cruciale pour le stockage de la mémoire.(3) 

L’activation de ces cellules peut empêcher le contenu d’un rêve d’être stocké dans l’hippocampe ; le rêve est donc rapidement oublié.

Une autre étude a abordé ce phénomène différemment, en recrutant des individus qui se souviennent fréquemment de leurs rêves. Étonnamment, ces personnes se réveillaient plus fréquemment pendant la nuit que celles qui se souvenaient rarement de leurs rêves, ce qui suggère que le souvenir vif de leurs rêves n’équivaut pas nécessairement à une meilleure qualité de sommeil.(4) 

Mythe 3 : Réveiller un somnambule peut s’avérer dangereux 

Contrairement à la croyance commune selon laquelle réveiller un somnambule peut avoir des conséquences désastreuses, comme uncrise cardiaqueou pire, cette notion n’est pas vraie. Il est cependant essentiel d’aborder la situation avec prudence et conscience.(5)

Une fois réveillés, les somnambules peuvent éprouver de la confusion et, dans certains cas, même de la peur. Certains peuvent réagir de manière agressive, ce qui souligne la nécessité d’être prudent lorsqu’on tente de les réveiller. De plus, il existe toujours un risque de blessure lorsque les somnambules se déplacent les yeux fermés dans leur environnement.

Pour garantir la sécurité, la meilleure solution consiste à les guider doucement vers leur lit. Le National Health Service (NHS) du Royaume-Uni conseille de donner la priorité à la sécurité des somnambules, en soulignant qu’après leur retour au sommeil, les réveiller en douceur peut aider à prévenir une récidive au cours du même cycle de sommeil profond.(6)

Cependant, le NHS propose également une mise en garde : évitez de crier ou de surprendre la personne et évitez toute contrainte physique à moins qu’elle ne soit en danger immédiat, car elle pourrait réagir de manière défensive.

Mythe 5 : Le fromage peut provoquer des cauchemars au coucher

L’idée selon laquelle le fromage mène aux cauchemars est une croyance bien connue, mais largement infondée. Bien que certaines personnes puissent faire des rêves intenses après avoir consommé du fromage avant de se coucher, il ne s’agit en aucun cas d’un phénomène universel. 

Cela dit, se livrer à un repas copieux, comprenant ou non du fromage, juste avant le coucher peut entraîner une indigestion ou des brûlures d’estomac, perturbant potentiellement les habitudes de sommeil. 

Si l’inconfort digestif vous amène à vous réveiller plus fréquemment pendant la nuit, vous êtes plus susceptible de vous souvenir des rêves que vous avez faits. Comme mentionné précédemment, les rêves sont généralement oubliés aussi vite qu’ils se forment, à moins que vous ne vous réveilliez au milieu d’un rêve.(7) 

Les rêves désagréables peuvent également être plus probables si vous ressentez un inconfort physique.

Le type de repas consommé avant le coucher peut également jouer un rôle. Consommer un repas copieux, particulièrement riche en glucides, peut entraîner des sueurs nocturnes, car le corps génère de la chaleur pendant le processus de métabolisme alimentaire. Cela peut perturber le sommeil, augmenter l’éveil et améliorer le souvenir des rêves. 

L’origine du mythe du cauchemar provoqué par le fromage reste floue. Cependant, il convient de noter que le fromage est souvent servi à la fin d’un repas copieux, ce qui peut avoir contribué à l’association. Certains pensent que le mythe pourrait avoir des racines plus profondes dans des légendes anciennes.(8) 

Une autre idée fausse est que certains aliments, comme le lait, le fromage et la dinde, peuvent favoriser le sommeil en raison de leur teneur en tryptophane. Le tryptophane est un précurseur de la sérotonine, qui contribue à son tour à la production de mélatonine, une hormone impliquée dans la régulation du sommeil. 

La théorie postule que les aliments riches en tryptophane pourraient faciliter un meilleur sommeil. Par exemple, la croyance largement répandue selon laquelle la dinde après Thanksgiving provoque la somnolence après le déjeuner découle de cette idée. 

Cependant, les études scientifiques sur la consommation de tryptophane n’ont pas systématiquement démontré un impact significatif sur le sommeil. De plus, les niveaux de ceacide aminéprésents dans une portion de fromage ou de dinde sont généralement insuffisants pour produire un effet notable.(9)

Mythe 5 : L’alcool garantit un sommeil réparateur

Contrairement à la croyance populaire, même si l’alcool peut faciliter un endormissement plus rapide et rendre les individus plus difficiles à réveiller, il n’entraîne pas une amélioration globale de la qualité du sommeil. En fait, l’influence dealcoolsur la qualité du sommeil est généralement préjudiciable. 

Pour un sommeil véritablement revitalisant, le cerveau doit subir une série de phases et de cycles bien coordonnés, comme mentionné précédemment. L’alcool perturbe en fait ce schéma rythmique de répétition.(10) 

Après la consommation d’alcool, les recherches indiquent une réduction significative du sommeil paradoxal (mouvements oculaires rapides) pendant la première partie de la période de sommeil. De plus, les études démontrent systématiquement une diminution du pourcentage global de sommeil paradoxal tout au long de la nuit à des doses modérées et élevées.(11) 

Essentiellement, même si l’alcool peut accélérer l’endormissement, l’expérience de sommeil qui en résulte sera probablement moins rajeunissante et moins rafraîchissante. 

Mythe 6 : Regarder la télévision vous aide à vous endormir 

De nombreuses personnes pensent que regarder la télévision avant de se coucher est un bon moyen de se détendre et de s’endormir plus rapidement. Cependant, ce mythe a ses défauts. Même si la télévision constitue une forme de divertissement, elle peut en réalité entraver les processus naturels de sommeil du corps. 

La lumière bleue émise par les écrans, notamment ceux des téléviseurs, des tablettes ettéléphones intelligents, peut interférer avec la production de mélatonine, une hormone qui régule le sommeil. L’exposition à ce type de lumière signale au cerveau qu’il est temps de se réveiller, ce qui rend plus difficile l’endormissement.(12) 

De plus, le contenu de ce qui est regardé peut également jouer un rôle. Des émissions ou des films passionnants ou chargés d’émotion peuvent stimuler l’esprit, rendant difficile la transition vers un état de relaxation propice au sommeil.(13,14) 

Au lieu de regarder la télévision, les experts recommandent de participer à des activités apaisantes avant de se coucher.

Mythe 7 : appuyer sur le bouton Snooze vous donne plus de repos 

Pour beaucoup, appuyer sur le bouton snooze est un rituel matinal courant. Il offre quelques minutes supplémentaires de sommeil avant l’inévitable réveil. Cependant, la croyance selon laquelle somnoler conduit à un sommeil plus réparateur est une idée fausse. 

Lorsque l’alarme se déclenche, le corps commence à sortir progressivement du sommeil profond et se prépare à se réveiller. Se rendormir pendant une courte période après avoir appuyé sur le bouton snooze signifie généralement rentrer dans un nouveau cycle de sommeil, pour ensuite être brusquement réveillé. Cela peut conduire à un phénomène appelé « inertie du sommeil », caractérisé par des sensations de somnolence et de désorientation au réveil.(15)

Au lieu de compter sur le bouton snooze, les experts recommandent d’établir un horaire de sommeil cohérent et de prévoir suffisamment de temps pour une nuit complète de repos.

Mythe 8 : Les personnes âgées ont besoin de moins de sommeil

Il est communément admis qu’à mesure que les gens vieillissent, ils ont moins besoin de dormir. S’il est vrai que les habitudes de sommeil peuvent changer avec l’âge, l’idée selon laquelle les personnes âgées ont besoin de beaucoup moins de sommeil est une idée fausse. 

La quantité de sommeil recommandée pour les adultes reste assez constante dans tous les groupes d’âge, la plupart des experts suggérant sept à neuf heures de sommeil de qualité par nuit. Cependant, des facteurs tels que les changements dans les rythmes circadiens et l’architecture du sommeil peuvent entraîner des modifications des habitudes de sommeil des personnes âgées. 

Même si les cycles veille-sommeil des personnes âgées peuvent être modifiés, il est important de donner la priorité à un repos suffisant pour assurer leur santé et leur bien-être en général. Un sommeil de qualité reste crucial pour la fonction cognitive, le bien-être émotionnel et la santé physique, quel que soit l’âge. 

Mythe 9 : Vous pouvez « rattraper » votre sommeil perdu 

Beaucoup de gens pensent que s’ils lésinent sur leur sommeil pendant la semaine, ils peuvent compenser en dormant longtemps le week-end. Cette notion de « rattrapage » du sommeil est une idée fausse très répandue. 

Bien que dormir davantage le week-end puisse aider à atténuer une partie de la fatigue et du déficit de sommeil accumulés au cours de la semaine, cela ne compense pas entièrement le manque de sommeil constant. Les déficits de sommeil chroniques peuvent avoir des effets à long terme sur la santé physique et mentale, et un sommeil de rattrapage occasionnel ne remplace pas un repos régulier et réparateur.

Mythe 10 : Le ronflement est inoffensif 

De nombreuses personnes considèrent le ronflement comme un phénomène nocturne inoffensif, quoique ennuyeux. Cependant, des ronflements persistants peuvent être révélateurs de troubles du sommeil sous-jacents, comme l’apnée du sommeil.

Apnée du sommeilest une maladie grave caractérisée par des interruptions de la respiration pendant le sommeil, entraînant des perturbations des habitudes de sommeil et une réduction des niveaux d’oxygène dans le corps. Si elle n’est pas traitée, l’apnée du sommeil peut contribuer à toute une série de problèmes de santé, notammenthypertension artérielle, des problèmes cardiaques et des troubles cognitifs.(16)

Conclusion 

Bien que le domaine du sommeil reste énigmatique, les efforts scientifiques en cours promettent de dévoiler davantage de ses secrets. Nous avons mis en lumière certains des mythes les plus répandus concernant le sommeil, en remplaçant les conjectures par des preuves concrètes. À mesure que nous approfondissons la science du sommeil, une meilleure compréhension de cet aspect vital émergera sans aucun doute, ouvrant la voie à un bien-être amélioré et à une existence plus reposée et revitalisée. 

Références :

  1. Institut national des troubles neurologiques et des accidents vasculaires cérébraux (2022). Notions de base sur le cerveau : Comprendre le sommeil | Institut national des troubles neurologiques et des accidents vasculaires cérébraux. [en ligne] www.ninds.nih.gov. Disponible à :https://www.ninds.nih.gov/health-information/public-education/brain-basics/brain-basics-understanding-sleep.
  2. Saghir, Z., Syeda, JN, Muhammad, AS, Abdalla, THB (2007). et Abdalla, T.H.B., 2018. L’amygdale, la dette de sommeil, la privation de sommeil et l’émotion de colère : un lien possible ?. Curéus, 10(7).
  3. Izawa, S., Chowdhury, S., Miyazaki, T., Mukai, Y., Ono, D., Inoue, R., Ohmura, Y., Mizoguchi, H., Kimura, K., Yoshioka, M. et Terao, A., 2019. Les neurones MCH actifs en sommeil paradoxal sont impliqués dans l’oubli des souvenirs dépendants de l’hippocampe. Science, 365(6459), pages 1308-1313.
  4. Ruby, P., Blochet, C., Eichenlaub, J.B., Bertrand, O., Morlet, D. et Bidet-Caulet, A., 2013. La réactivité alpha aux prénoms diffère selon les sujets ayant une fréquence de rappel de rêve élevée et faible. Frontières en psychologie, 4, p.419.
  5. Cartwright, R.D. et Guilleminault, C., 2013. Défendre les somnambules avec la science et un cas illustratif. Journal de médecine clinique du sommeil, 9(7), pp.721-726.
  6. Choix du NHS (2019). Somnambulisme. [en ligne] NHS. Disponible à :https://www.nhs.uk/conditions/sleepwalking/.
  7. Santé de Harvard. (2012). Les gens font-ils vraiment des cauchemars en mangeant tard ? [en ligne] Disponible sur :https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/do-people-really-get-nightmares-from-eating-late.
  8. ‌Oates, C., 2003. Le fromage vous donne des cauchemars : vieilles sorcières et brûlures d’estomac. Folklore, 114(2), pages 205-225.
  9. Argent, B.Y. et Schmitt, J.A.J., 2010. Effets de la charge de tryptophane sur la cognition, l’humeur et le sommeil humains. Revues de neurosciences et biocomportementales, 34(3), pp.387-407.
  10. Ebrahim, I.O., Shapiro, CM, Williams, A.J. et Fenwick, P.B., 2013. Alcool et sommeil I : effets sur le sommeil normal. Alcoolisme : recherche clinique et expérimentale, 37(4), pp.539-549.
  11. Angarita, G.A., Emadi, N., Hodges, S. et Morgan, PT, 2016. Anomalies du sommeil associées à la consommation d’alcool, de cannabis, de cocaïne et d’opiacés : une revue complète. Science de la toxicomanie et pratique clinique, 11(1), pp.1-17.
  12. Silvani, M.I., Werder, R. et Perret, C., 2022. L’influence de la lumière bleue sur le sommeil, la performance et le bien-être des jeunes adultes : une revue systématique. Frontières en physiologie, 13, p.943108.
  13. Danilenko, K.V. et Sergeeva, O.Y., 2015. Effet immédiat de la lumière bleue améliorée sur les hormones reproductives chez les femmes. Neuro Endocrinol Lett, 36(1).
  14. Driller, M.W., Jacobson, G. et Uiga, L., 2019. Hormone de la faim et réponses du sommeil au filtre de lumière bleue intégré sur un appareil électronique : une étude pilote. Science du sommeil, 12(3), p.171.
  15. Andersson, J., 2023. Le fait d’appuyer sur le bouton snooze affecte-t-il votre humeur ? : Comparaison de l’humeur autodéclarée chez les snoozers et les non-snoozers.
  16. Dalmasso, F. et Prota, R., 1996. Ronflement : analyse, mesure, implications cliniques et applications. Journal respiratoire européen, 9(1), pages 146-159.