Le problème du cerveau : l’étrange neuroscience du Déjà Vu

Ce sentiment étrange de « être ici avant »

Avez-vous déjà vécu un moment tout à fait ordinaire, en attendant un café, en discutant avec désinvolture avec un ami, et vous êtes-vous soudainement senti submergé par la sensation étrange d’avoir vécu exactement cette seconde auparavant ? C’est du déjà vu, un phénomène qui signifie littéralement « déjà vu ». C’est éphémère mais puissant ; un problème de perception, un dysfonctionnement de la mémoire ou une caractéristique de la façon dont votre cerveau organise les expériences ? Explorons les neurosciences qui expliquent pourquoi cela se produit.

Qu’est-ce que le Déjà Vu, selon la science

Selon la science, le déjà vu est une sorte d’illusion de mémoire. Malgré le fort sentiment qu’un moment vous est familier, vous n’en avez aucun souvenir conscient. Il s’agit généralement d’une expérience bénigne, rapportée par environ les deux tiers des personnes au moins une fois dans leur vie.[6]Cela survient souvent chez des individus en bonne santé et est généralement inoffensif.

Le mécanisme de « vérification des faits » du cerveau

Selon le neuroscientifique Akira O’Connor (Université de St Andrews), le déjà vu survient lorsque les régions frontales du cerveau chargées de la prise de décision détectent un signal de mémoire inexact, un faux sentiment de familiarité provenant des lobes temporaux, et tentent de le vérifier.[1]Le cortex frontal pose alors une question mentale du type : « Est-ce que je suis déjà venu ici ? S’il ne trouve aucune trace réelle, une étrange sensation de déjà-vu surgit.[1]Cela suggère qu’il ne s’agit pas simplement d’une erreur de mémoire ; mais plutôt la preuve que la machinerie de vérification des faits de votre cerveau fonctionne efficacement.

Quand les circuits cérébraux s’entrechoquent

Une autre vision neuroscientifique considère le déjà vu comme le résultat d’une communication dysfonctionnelle entre différents systèmes de mémoire :

  • Ratés du lobe temporal/hippocampe :L’hippocampe (responsable de la formation et de la récupération de la mémoire) peut envoyer un faux signal de familiarité, croisant des fils avec le lobe temporal (responsable de la détection de la familiarité), ce qui confond alors le cerveau.
  • Conflit d’attentes de mémoire :De ce point de vue, le déjà vu reflète un conflit métacognitif ; votre cerveau détecte une inadéquation entre les attentes et la mémoire réelle.

Cette dissonance cognitive, un choc entre quelque chose qui semble familier et quelque chose qui ne l’est pas réellement, est l’essence du déjà-vu.

Focus sur trois théories clés des neurosciences

Les recherches en neurosciences mettent en évidence plusieurs mécanismes susceptibles de déclencher du déjà-vu :[4]

  • Perception partagée :Une entrée sensorielle est brièvement traitée, dégradée ou distraite, puis reperçue quelques instants plus tard. Cette seconde perception semble familière car elle fait écho à la première ; même si vous n’en étiez pas pleinement conscient au départ.
  • Cryptomnésie / Mémoire implicite :Votre cerveau accède à un souvenir oublié (cryptomnésie) ou à un fragment de mémoire implicite. Vous ne vous souvenez pas consciemment de l’événement, mais votre cerveau reconnaît les similitudes, créant ainsi un sentiment de familiarité.
  • Retard du signal neurologique (double traitement) :Une théorie très ancienne postule que le cerveau reçoit des informations sensorielles par deux voies, l’une plus rapide, l’autre plus lente. Si le timing n’est pas synchronisé, le deuxième signal ressemble à une répétition, produisant une impression de déjà vu.

Ces théories ne s’excluent pas mutuellement ; ils peuvent tous jouer un rôle dans différents contextes ou individus.

Les régions cérébrales derrière le sentiment

Les études de neuroimagerie et les observations cliniques mettent en évidence des régions spécifiques du cerveau :

  • Lobes temporaux et hippocampe :Ces zones sont au cœur des circuits de mémoire et de la détection de familiarité. Chez les patients épileptiques, l’activité électrique dans ces zones précède souvent les épisodes de déjà-vu.[7]
  • Régions insula, parahippocampique et hippocampique :L’imagerie montre que chez les personnes qui ressentent du déjà vu, l’activité du cortex insulaire augmente, tandis que d’autres zones comme le parahippocampique, l’hippocampe, le gyri temporal, le thalamus, le caudé et les régions frontales supérieures peuvent diminuer en activation, par rapport à celles qui n’en font pas l’expérience.[5]

Ces découvertes soulignent la complexité : le déjà vu est plus qu’un problème, c’est un désalignement dans un réseau de circuits de mémoire, de familiarité et de reconnaissance.

Pourquoi le Déjà Vu arrive davantage à certains

Certains facteurs augmentent la probabilité de ressentir du déjà-vu :

  • Fatigue et stress :Les cerveaux épuisés présentent davantage de ratés, conduisant à davantage d’épisodes de déjà-vu.[1, 6]
  • Dopamine :Ce neurotransmetteur excitateur fait partie intégrante du traitement de la familiarité. Les médicaments dopaminergiques (à la fois médicaux et récréatifs) augmentent les rapports de déjà-vu, ce qui conforte leur rôle.[1]
  • Âge:Les personnes plus jeunes signalent plus fréquemment du déjà-vu.[6]À mesure que vous vieillissez, la régulation neuronale et la surveillance de la mémoire diminuent légèrement, réduisant ainsi ces épisodes.[1]
  • Mode de vie et facteurs cognitifs :Les voyages, les rêves fréquents, les études supérieures et un meilleur statut socio-économique sont corrélés à un déjà vu plus fréquent.[6]

Quand s’inquiéter

Pour la plupart des gens, le déjà vu est un événement occasionnel et inoffensif. Pourtant, dans certains cas, un déjà-vu persistant ou intense peut signaler des troubles neurologiques sous-jacents :[7]

  • Épilepsie du lobe temporal :Le déjà vu peut précéder les crises, car les circuits de mémoire deviennent hyperactifs dans les lobes temporaux.[7]
  • Autres conditions :Un déjà-vu persistant peut également être corrélé à des migraines (avec aura), à la démence ou à d’autres troubles neurologiques/psychiatriques.[7]

Quand consulter un médecin :

Si le déjà vu est fréquent, prolongé ou accompagné de confusion, de tremblements, de maux de tête, d’une altération de la conscience ou d’autres symptômes, en particulier chez les personnes plus jeunes que l’adolescence ou les personnes âgées, il est sage de consulter un neurologue.[7]

Une fenêtre sur le fonctionnement de votre mémoire

Au-delà du mystère, le déjà vu offre des informations clés sur la façon dont le cerveau traite la mémoire :

  • Il révèle à quel point la familiarité et le souvenir sont distincts mais étroitement liés.
  • Cela met en évidence la dépendance du cerveau à l’égard de la prédiction, de la reconnaissance et de la résolution des conflits.
  • Cela suggère que la mémoire est reconstructive et non un enregistrement parfaitement archivé.

Dans des contextes sains, le déjà vu peut même être un marqueur de résilience cognitive, signe que votre cerveau est suffisamment sensible et vigilant pour déclencher et corriger les inadéquations de mémoire.[1]