L’articulation du genou, articulation complexe essentielle à la mobilité, est sensible à diverses pathologies, l’une des plus courantes étant un épanchement articulaire. Plus précisément, unépanchement articulaire suprapatellairefait référence à l’accumulation de liquide en excès dans la bourse suprapatellaire, un sac synovial situé au-dessus de la rotule. Cette condition, familièrement connue sous le nom de“de l’eau sur le genou”est un signe clinique d’un problème sous-jacent plutôt qu’un diagnostic primaire. Comprendre son contexte anatomique, son étiologie et les approches fondées sur des données probantes pour sa prise en charge est crucial pour un traitement efficace et le rétablissement du patient.
Base anatomique et physiologique
Le genou est une articulation synoviale, c’est-à-dire qu’elle est enfermée dans une capsule contenant du liquide synovial. Ce fluide visqueux remplit une fonction essentielle en assurant la lubrification du cartilage articulaire, en réduisant la friction pendant le mouvement et en fournissant des nutriments au cartilage avasculaire. La capsule synoviale n’est pas un simple compartiment unique ; il comprend plusieurs niches et extensions. La bourse suprapatellaire (ou poche) est une extension cruciale située en avant, entre le tendon distal du quadriceps et la surface antérieure du fémur distal.
Chez la plupart des individus, la bourse suprapatellaire communique librement avec la cavité principale de l’articulation du genou, permettant au liquide de se déplacer entre ces espaces.[2]Cette communication est vitale pour la distribution du liquide synovial lors de la flexion et de l’extension du genou. Un épanchement ne se limite donc pas à la bourse suprapatellaire mais représente une augmentation du volume total de liquide intra-articulaire. Ce fluide est un ultrafiltrat plasmatique contenant de l’acide hyaluronique, des glycoprotéines et d’autres substances qui maintiennent la santé des articulations. Dans des conditions pathologiques, la synoviale devient enflammée, entraînant une augmentation de la perméabilité vasculaire et une surproduction de liquide synovial, un processus pouvant provoquer une distension importante de la bourse suprapatellaire.
Étiologie et physiopathologie
Les causes d’un épanchement articulaire suprapatellaire sont multifactorielles et peuvent être largement classées entraumatique,inflammatoire,dégénératif, etinfectieuxconditions.
Causes traumatisantes :
Les traumatismes aigus sont une cause fréquente, conduisant souvent à une accumulation rapide de liquide, pouvant contenir du sang (hémarthrose). Les blessures traumatiques courantes comprennent :
- Déchirures ligamentaires :Une déchirure du ligament croisé antérieur (LCA) est l’une des principales causes d’hémarthrose en raison de la riche vascularisation du ligament.[4]
- Déchirures méniscales :Les ménisques, coussinets fibrocartilagineux en forme de C, peuvent se déchirer à la suite de blessures par torsion, entraînant une irritation des articulations et un épanchement ultérieur.
- Fractures :Les fractures intra-articulaires, comme celles du plateau tibial ou des condyles fémoraux, peuvent provoquer à la fois un épanchement et une hémarthrose due à une hémorragie médullaire dans l’espace articulaire.
Causes inflammatoires et dégénératives :
Ces conditions entraînent généralement un gonflement plus progressif. L’épanchement dans ces cas est principalement un liquide inflammatoire, riche en globules blancs et en protéines.
- Arthrose (OA) :Maladie dégénérative des articulations, l’arthrose se caractérise par la dégradation du cartilage articulaire. La réponse inflammatoire du corps aux débris cartilagineux et au rétrécissement de l’espace articulaire entraîne une inflammation synoviale chronique et un épanchement.
- Polyarthrite rhumatoïde (PR) :Il s’agit d’une maladie auto-immune systémique dans laquelle le système immunitaire de l’organisme attaque par erreur la membrane synoviale, provoquant une inflammation chronique, des douleurs et un épanchement persistant.
- Arthropathies cristallines :Des affections telles que la goutte et la pseudogoutte sont causées par le dépôt de cristaux (acide urique dans la goutte, pyrophosphate de calcium dihydraté dans la pseudogoutte) dans l’articulation, déclenchant une réaction inflammatoire intense et un épanchement douloureux.
Causes infectieuses :
Arthrite septique, ou une infection articulaire, est une urgence médicale. Des bactéries, des virus ou des champignons peuvent pénétrer dans l’espace articulaire, entraînant une réponse inflammatoire sévère et une accumulation rapide de liquide. Le liquide d’épanchement, dans ce cas, est purulent (semblable à du pus) et nécessite des soins médicaux immédiats pour éviter des lésions articulaires irréversibles.
Présentation clinique et diagnostic
La présentation clinique d’un épanchement de l’articulation suprapatellaire comprend un gonflement visible du genou, une perte des contours normaux du genou et un renflement de liquide palpable au-dessus de la rotule. Les patients signalent souvent une sensation de tiraillement ou de pression et une amplitude de mouvement réduite. La présence de douleur et de chaleur suggère en outre un processus inflammatoire ou infectieux.
Le diagnostic repose sur la combinaison d’un examen clinique approfondi et d’une imagerie diagnostique.
Examen physique :
Un clinicien effectuera des tests spécifiques pour confirmer la présence d’un épanchement. LeTest de tapotement rotulien(ou « ballottage ») consiste à appliquer une pression vers le bas sur la poche suprapatellaire puis à tapoter la rotule. En cas d’épanchement, on sentira la rotule « rebondir » ou « taper » contre le fémur. LeSigne de renflement(ou « test de balayage ») est utilisé pour les épanchements plus petits et implique la traite du liquide d’un côté à l’autre de l’articulation, créant un renflement palpable ou visible.[9]
Études d’imagerie :
- Radiographies :sont principalement utilisés pour évaluer les anomalies osseuses telles que les fractures, les ostéophytes (éperons osseux) ou les signes d’arthrite. Un épanchement peut être visible sous la forme d’une densité des tissus mous et d’un déplacement du coussinet graisseux suprapatellaire sur une vue latérale.
- Ultrason:est un excellent outil pour visualiser et quantifier un épanchement en temps réel. Il peut identifier la présence de liquide, guider les procédures d’aspiration et faire la différence entre un simple épanchement et une collection de liquide plus complexe.
- Imagerie par résonance magnétique (IRM) :fournit une vue détaillée des tissus mous, notamment les ligaments, les ménisques et le cartilage. Il s’agit de la référence en matière d’identification de la cause sous-jacente d’un épanchement, telle qu’une déchirure ligamentaire ou une lésion méniscale.
Arthrocentèse (aspiration articulaire) :
Cette procédure consiste à insérer une aiguille dans l’espace articulaire pour prélever du liquide. Le liquide aspiré peut être analysé pour divers paramètres, notamment le nombre de cellules, les niveaux de protéines et la présence de cristaux ou de bactéries. Ceci est particulièrement critique dans les cas où une arthrite septique est suspectée.
Stratégies de traitement et de gestion
La prise en charge d’un épanchement articulaire suprapatellaire est axée sur la résolution de la cause sous-jacente tout en atténuant les symptômes. Une approche à plusieurs niveaux, passant de méthodes conservatrices à des méthodes plus invasives, est généralement utilisée.
1. Gestion conservatrice :
- Protocole RIZ :Il s’agit d’une pierre angulaire de la prise en charge initiale des causes traumatiques.R.est aide à prévenir d’autres blessures,jecette application réduit l’inflammation et la douleur,Cla compression avec un bandage élastique peut aider à contrôler l’enflure, etEl’élévation du membre au-dessus du cœur facilite le drainage des fluides par gravité.[13]
- Médicaments :Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène ou le naproxène sont efficaces pour réduire la douleur et l’inflammation associées aux épanchements non infectieux.
- Modification d’activité :Il est crucial d’éviter les activités et les mouvements à fort impact qui exacerbent les symptômes pendant la phase aiguë du rétablissement.
2. Physiothérapie :
Une fois le gonflement aigu atténué, la physiothérapie est essentielle pour restaurer la fonction articulaire et prévenir l’atrophie musculaire. Un programme complet peut inclure :
- Exercices d’amplitude de mouvement :Des exercices doux de flexion et d’extension aident à maintenir la mobilité articulaire.
- Exercices de renforcement :Le renforcement des quadriceps, des ischio-jambiers et des muscles fessiers offre un meilleur soutien et une meilleure stabilité à l’articulation du genou, ce qui peut réduire le risque d’épanchements futurs.
- Entraînement à l’équilibre et à la proprioception :Ces exercices aident à rééduquer le sens de la position des articulations du corps, qui est souvent altéré après une blessure ou un gonflement du genou.[14]
3. Procédures interventionnelles :
- Arthrocentèse :Bien qu’il s’agisse d’un outil de diagnostic, c’est aussi une procédure thérapeutique. L’aspiration d’un épanchement important et tendu peut procurer un soulagement immédiat de la douleur et de la pression.
- Injections de corticostéroïdes :Après l’aspiration, un corticostéroïde peut être injecté dans l’articulation pour réduire l’inflammation locale. Ceci est particulièrement efficace pour les maladies inflammatoires comme l’arthrose ou la PR et peut apporter un soulagement durable, même s’il ne s’agit pas d’un remède.[15]Ces injections sont déconseillées en cas d’épanchements infectieux.
4. Intervention chirurgicale :
Le traitement chirurgical est réservé aux cas où les méthodes conservatrices et interventionnelles sont insuffisantes ou lorsque la cause sous-jacente nécessite une réparation.
- Arthroscopie :Une procédure mini-invasive où un chirurgien utilise une petite caméra et des instruments pour visualiser et traiter l’articulation. L’arthroscopie peut être utilisée pour réparer un ménisque déchiré, reconstruire un ligament déchiré ou débrider du tissu synovial enflammé (synovectomie).[16]
- Arthroplastie totale du genou (PTG) :Dans les cas graves d’arthrite terminale où l’articulation est complètement dégénérée, une arthroplastie du genou peut être le traitement définitif pour éliminer la source de l’épanchement chronique et restaurer la fonction.
